Gone Troppo est l’échec commercial de George. Pas rentré dans les charts britanniques, ni dans le top 100 américain, c’est une chute monumentale après le succès relatif de Somewhere in England. Il faut dire que notre guitariste n’y a pas mis de bonne volonté. Un contrat à boucler pour la Warner, certes, mais encore fallait-il en avoir envie. Et George, après les coups bas que lui a fait cette même Warner pour son album précédent, ça l’ennuie. Pour tout dire, l’industrie du disque du début des années 1980 le débecte, n’a plus rien à voir avec ce qu’il avait connu, et il ne veut plus en entendre parler. Lorsqu’il entre en studio pour mettre en boîte cet album contractuel, Harrison a déjà en tête le temps qu’il pourra consacrer à ses passions pour le cinéma, le jardinage, et la Formule 1. Cinq ans en tout suivront avant son nouvel album ; pose méritée et, juge t-il, nécessaire.

Bref, Gone Troppo est loin de partir gagnant, et sa pochette pourrait finir de faire fuir même un fan plein de bonne volonté. Couleurs flashies, photo bizarre et graphisme particulier. Le jmenfoutisme de George se ressent jusque dans cette recette pour... préparer du ciment, fournie au dos de la pochette au milieu des paroles de chansons.  La chanson titre provient de l’argot australien signifiant littéralement « je suis devenu fou », « j’ai pété une durite ». Tout un programme.

Dream Away a à l'origine été composée pour la bande originale de Bandits, Bandits de Terry Guilliam.

La critique a donc été assez sévère avec ce pétage de plombs, qui se laisse pourtant selon moi mieux écouter que son prédécesseur. La chanson titre est justement un doux mélange un peu fou, qui se laisse écouter de façon très agréable. De même, la reprise de I Really Love You, avec des voix de basse très cartoonesques, très goonesques, rappelant un certain You Know My Name (Look Up the Number). Dream Away est une composition superbe écrite pour le film de Terry Guilliam Bandits, bandits. Ce sont, à mon avis, les trois morceaux majeurs de l’album.

Wake Up My Love est aussi une audacieuse percée dans la musique contemporaine de la part de Harrison qui, tout en étant conscient de son statut de « dinosaure du rock », tente de composer un morceau adapté au début des années 1980. L’essai est, disons le clairement, plutôt bien transformé, et aurait pu connaitre un succès honorable en single si son auteur en avait fait un minimum de promotion. Dans le même ordre d’idées, Mystical One est une ballade de bonne qualité, disponible en version acoustique sur une piste bonus de la réédition de 2004.

Chanson désabusée, That The Way it Goes semble montrer que Harrison avait clairement décidé que ce monde musical ne serait pas pour lui dans ces années troubles. Elle se laisse écouter sans problème, de même que l’instrumental Greece. Le reste des chansons de l’album, s’il ne laisse pas un goût impérissable, est pourtant assez agréable à entendre sur le coup.

Vous l’aurez compris, Gone Troppo n’est pas le meilleur album de George Harrison, mais il ne mérite clairement pas d’être rejeté aux oubliettes. On passe vraiment un bon moment en écoutant ce disque, et c’est finalement le plus important. Même quand il « devient fou », Harrison arrive encore à faire une musique plus qu’appréciable.

1. Wake Up My Love
2. That's the Way It Goes
3. I Really Love You
4. Greece
5. Gone Troppo
6. Mystical One
7. Unknown Delight
8. Baby Don't Run Away
9. Dream Away
10. Circles