Living in the Material World

It's funny how people just won't accept change  
 

Living in the Material World

Publié en mai-juin 1973 chez Apple Records
Enregistré ponctuellement de février 1971 à mars 1973
Produit par George Harrison et Phil Spector
11 pistes, 44 minutes

Avec :

George Harrison (chant, guitares, dobro, sitar), Nicky Hopkins (piano, clavecin), Gary Wright (piano, orgue, harmonium), Klaus Voormann (basse, saxophone), Jim Keltner (batterie), Jim Horn (saxophone)

Et la participation de :

John Barham, Jim Gordon, Pete Ham, Zakir Hussain, Leon Russel, Ringo Starr

1ère place aux États-Unis, 2e au Royaume-Uni

Living in the Material World est l'album polémique s'il en est dans la discographie de George Harrison. S'agit-il d'une des quelques perles qu'il a réalisées en début de carrière avant de s'effondrer pour de nombreuses années, ou au contraire d'un album somme toute quelconque augurant d'une production en demi-teinte, mais toujours de qualité honorable, pour les années à venir ? Il faut dire que George se heurte ici à un problème que connaîtra chacun des ex-Beatles. Que faire lorsque l'on vient de connaître une onction critique que l'on ne reconnaîtra plus de sitôt ? Tous s'y sont heurtés : John avec Imagine, Paul avec Band on the Run, et Ringo avec... Ringo, tous ont produit un album d'une qualité telle que le suivant ne pouvait que décevoir. George a eu la malchance de commencer sa carrière solo avec ce record intouchable : All Things Must Pass. Avec un tel prédécesseur, ce nouvel album partait en terrain miné, et s'en sort finalement pas si mal.

Nous sommes en effet en 1973, et cela fait déjà quelques années que George a connu un succès mondial avec son premier album de 1970. Le moment est venu de publier une nouvelle galette. Mais voilà, George traverse une période de profonde spiritualité, un attrait très fort pour l'Inde, qui le coupe de plus en plus d'un public qui voit encore en lui la star des années 1960. Ce public là, George s'apprête à le désarçonner totalement. Living in the Material World inaugure en effet une période particulière, qui durera jusqu'en 1975, où Harrison, en pleine crise personnelle, publie des albums peu commerciaux, aux tonalités plus plaintives, moins dynamiques, dont ressortent à chaque fois une ou deux chansons fortes, les autres n'ayant pas la même « signature » musicale les rendant reconnaissables au premier abord. Comme ses successeurs, Dark Horse et Extra Texture, Living in the Material World souffre de cet apparent manque de saveur.

George Harrison en 1973 pour la promotion de Living in the Material World
George Harrison en 1973, sur une photo prise pour la promotion de Living in the Material World.

Ici, pourtant, les deux hits du disque sont beaucoup plus frappants que les singles de 1974 et 1975. Le premier, qui ouvre l'album, est l'impressionnant Give Me Love (Give Me Peace on Earth), hymne humaniste dans la pure lignée du Concert for Bangladesh de 1971, avec cette fois-ci des connotations plus personnelles. Ici, la voix de Harrison lance un appel suppliant auquel répond sa guitare dont il joue avec virtuosité sur plusieurs solos. Une sorte de My Sweet Lord volume 2, calibré pour les ondes, et qui fait mouche dans les charts. Cette guitare slide qui contribue au hit est d'ailleurs une marque de fabrique de l'album, qui est probablement un des travaux les plus évolués de Harrison en matière de jeu de guitare. Le deuxième hit donne son nom à l'album : Living in the Material World, tout en exposant la spiritualité de Harrison, est un solide rock destiné à porter l'album. Tout y est pour une chanson ultra dynamique, notamment les batteries conjointes de Jim Keltner et de Ringo Starr. Claviers, saxophone, s'y mêlent pour former une des pièces les plus rock composées par George. Fidèle à lui-même, et pour cadrer au reste de l'album, un intermède beaucoup plus calme, sur fond d'instruments indiens, coupe la chanson, permettant à l'auditeur de souffler au milieu de cette formidable claque auditive.

D'autres chansons très dynamiques composent cependant l'album, qui a ses signes distinctifs, à commencer par le piano de Nicky Hopkins, omniprésent. C'est notamment le cas de Sue Me, Sue You Blues, chanson satirique dans la veine des textes de Harrison, pour se moquer de la situation actuelle des Beatles. Paul McCartney a en effet lancé un procès à ses anciens compagnons, seul moyen d'acter officiellement la dissolution d'un groupe qui est pourtant vieille de 3 ans. George commente ici avec humour la situation, comparant les échanges compliqués et entremêlés de procédures judiciaires à une danse. Ce genre de commentaire désabusé sur la situation du groupe, il se l'était déjà permis avec Not Guilty, une chanson composée en 1968 qui ne paraîtra qu'en 1979, sur l'album George Harrison. Autre air marquant qui s'imprime assez facilement dans les esprits, Don't Let Me Wait Too Long aurait dû paraître en single, mais la sortie fut vraisemblablement annulée par Apple.

Les autres chansons sont beaucoup plus calmes et à thème beaucoup plus spirituel, contribuant à donner à l'album sa réputation d'ensemble de chansons plaintives. Pourtant, un regard plus poussé à leurs paroles montre que, loin de prêcher, Harrison s'adresse avant tout à lui-même et fait des commentaires sur son propre état d'esprit dans une période de sa vie assez troublée. The Light That Has Lighted the World, sous son titre religieux, cache en réalité un message à la presse et aux fans : « les gens se plaignent que j'ai changé, que c'est une honte : n'acceptent-ils pas le changement, n'aiment ils pas les gens heureux ? » De même, The Lord Loves the One (That Loves the Lord), loin de porter un message religieux, cache surtout une charge contre sa vie passée : à quoi bon courir après l'argent, le pouvoir, la célébrité ? Tout le monde finit par mourir un jour. Who Can See It est également une chanson très personnelle sur son ressenti de la période Beatles, son sentiment d'avoir été traité en inférieur, qu'il élargit ensuite à l'état du monde.

La dévotion est cependant omniprésente, mais sert avant tout de moyen de faire passer des messages. Dans Be Here Now, George fait avant tout référence à la spiritualité indoue : « le passé est passé, le futur pourrait ne pas avoir lieu ; concentre toi sur le présent ! » The Day the World Gets Round est de son côté une chanson dans la lignée des « protest songs » de Bob Dylan, se lamentant sur l'état du monde, ce que Harrison refera par la suite, notamment avec Save the World sur Somewhere in England. La chanson de cloture, That Is All, est une chanson d'amour dans la lignée de Somtehing, qui offre une particularité constante dans ce genre de chansons chez Harrison : elle pourrait tout aussi bien s'adresser à une femme ou à Dieu.

Phil Spector en 1970
Try Some, Buy Some, marque la dernière participation de Phil Spector à un album de George.

Reste enfin une chanson à part sur cet album, Try Some, Buy Some, que certains critiques ont considérés comme superflue, gâchant l'unité de l'ensemble. C'est en effet une chanson plus ancienne, travaillée avec Phil Spector et sa technique du « wall of sound », qui lui donne une signature musicale très différente. Cela n'empêche pas certains artistes comme Lennon ou David Bowie de lui trouver d'excellentes qualités !

Living in the Material World est finalement un des albums les plus difficiles d'accès de George Harrison. Peu de hits dynamiques, pas de sentiment de constante euphorie musicale comme sur un Brainwashed... Les chansons doivent prendre le temps de murir dans notre esprit, le texte de s'imprégner dans nos esprits, pour trouver la vraie qualité de cet album déroutant en première écoute.

Liste des chansons :
  1. Give Me Love (Give Me Peace on Earth)
  2. Sue Me, Sue You Blues
  3. The Light That Has Lighted the World
  4. Don't Let Me Wait Too Long
  5. Who Can See It
  6. Living in the Material World
  7. The Lord Loves the One (That Loves the Lord)
  8. Be Here Now
  9. Try Some, Buy Some
  10. The Day the World Gets Round
  11. That Is All



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